Mon tour de Corse en 2011

Publié le 11 Juin 2013

«Monsieur Autonomie*»  et son drôle de vélo en Corse.

 

 

A écouter mes proches, il m’était fortement déconseillé d’envisager le moindre périple à vélo sur l’île de Beauté.

A cause de la dangerosité de ses routes étroites et sinueuses et de son relief particulièrement accidenté. On dit de la Corse que c’est « une montagne dans la mer ». Et je vous confirme que cela s’avère tout à fait réel !

Mais, on dit aussi d’elle qu’elle est le fruit de l’union entre le ciel et la Méditerranée. Magnifique progéniture qui ne demande qu’à être visitée avec tout le respect qui lui est dû. Surtout en cette saison où le maquis est en fleur et embaume les chemins de senteur de myrte et d’autres effluves.

 

J’entends encore certains me dire : « Tu seras même pas sorti du bateau que tu te feras écraser avant le moindre tour de roue. Les insulaires sont de vrais "Fangio" sur la route ! Tu n’as aucune chance ! »

Pesant le pour et le contre, ayant tous les feux au rouge, je me suis vite rendu compte que cela paraissait impossible. J’ai donc décidé d’y aller.

Ah oui, j’ai oublié de vous dire que j’ai de lointaines origines Catalanes, d’où sûrement mon côté légèrement entêté.

 

Me voilà donc, avec mon fidèle destrier à 3 roues embarqué à Toulon sur le Corsica Ferry dans la nuit du 9 mai. Je dois reconnaître que j’ai fait mon petit effet en rentrant dans la cale du bateau en slalomant entre les camions et les voitures. Le personnel navigant, italien, me tendait le pouce en souriant et en criant « numero uno !! numero uno !! ».

Au petit matin à Bastia, à la sortie du bateau, j’étais ravi de voir qu’aucune voiture ne m’avait écrasé.

 

Dans la vie, il y a des rencontres qui ont forcément des conséquences sur la suite des événements. Ce fut le cas dans ce bistrot où j’ai rencontré Christophe. Installé dans mon handbike, comme à mon habitude, je buvais mon café en terrasse.

(J’ouvre ici une petite parenthèse pour préciser aux plus moqueurs que ce n’est pas par fainéantise que je ne sors pas de mon vélo, mais plutôt par économie d’énergie. Trop d’efforts et trop de temps pour transformer mon vélo en fauteuil et vice versa. Autant solliciter la gentillesse de nos amis bipèdes. En fait, c’est un peu "Drive in" dans tous les commerces où je passe. Je n’ai vraiment aucune gène à demander de l’aide à qui que ce soit. Je pousse à l’extrême les limites de l’autonomie tout en étant tributaire des autres pour certains petits actes du quotidien. Cela peut paraître paradoxal mais ne me dérange pas le moins du monde. En fait, cela m’oblige à aller vers les gens pour les solliciter même si j’aspire à une certaine forme d’indépendance, mes amis Corses et Basques me comprendront... Avec l’expérience, il est rare que je me trompe sur les regards que je croise. Fin de la parenthèse.)

Donc, le Christophe en question était très intrigué par ma monture. Me posant un tas de questions : « qui tu es ? » , « d’où tu viens ? »  Bref, un curieux. Normal ! Il est journaliste à Corse Matin. Il me propose de faire un article avec photo dès l’ouverture de l’agence à 9h00. J’accepte. Et je dois reconnaître que cet article m’a bien aidé. Il m’a littéralement poursuivi tout le long de mon périple !

En résumé, je suis parti de Bastia jusqu’à Ajaccio en passant par le Cap Corse. Cela représente un peu plus de 400 km en 2 semaines avec un vélo chargé qui approche les 65 kg. Une petite pause forcée de 3 jours dans un camping de Porto, pour un léger début de tendinite. Outre ce petit pépin physique, je garde en mémoire pleins de souvenirs de ce voyage. Etant très sensible au genre humain, j’ai vécu des rencontres magiques que seul le voyage en solitaire et à vélo peuvent procurer, sans oublier le "capital sympathie handicap". Car oui, je l’avoue, je suis un handicapé gentil et sociable.

 

J’ai encore en mémoire cette nuit passée entre deux tombes dans le cimetière de Centuri avec l’aval du voisin qui n’était autre que le petit fils d’un des locataires. « Sois sans crainte, mon grand père veillera sur toi ! », me dit-il. Et c’est vrai que j’ai divinement bien dormi cette nuit-là.

 

Autre anecdote, le matin de la parution de l’article de Christophe. Toujours sur mon vélo, en train de lire fièrement l’article, en buvant mon café à la terrasse d’un bistrot à Macinaggio, je demande au serveur combien je lui dois. Et il me répond avec ce superbe accent Corse : « Vous êtes dans le journal ce matin. Je peux pas vous faire payer, c’est cadeau !! ».

 

Et une dernière pour la fin, parmi tant d’autres. Justement le jour où j’arrive à Macinaggio en fin d’après-midi. Je me dis que, pour ma première nuit en Corse, je ne vais pas brusquer "l’autochtone"  en allant planter ma tente n’importe où, "à la sauvage", comme on dit dans le milieu. Donc, je décide, serein, d’aller au camping du coin. A  l’entrée, c’est un grand écriteau qui m’accueille : « ouvert à partir du 18 mai », et vu qu’on était le 10 mai… Pour le coup, pas le choix, recours à la bonne vieille méthode à la sauvage. En quête d’un lieu, je reviens sur mes pas et je passe devant une villa en construction. Les artisans sont encore présents sur le chantier. Je profite de l’occasion pour leur demander l’hospitalité pour planter ma tente derrière la maison. L’un d’eux me dit : « La terre est toute retournée ici, c’est pas joli. Mais suis moi, j’ai un endroit bien meilleur pour toi et ta tente ». Je m’exécute. Juste derrière un portail, au détour d’une grande haie, se trouve une superbe villa qui domine la baie. «Ici, c’est une villa d’Italien, elle est fermée toute l’année. Les proprios ne viennent que 15 jours en août. Le gazon est entretenu, tu as de l’ombre sous les arbres et je peux même te tirer le tuyau d’arrosage du sentier pour te laver. Tu seras très bien ici. Je fermerai le portail en partant pour que tu sois tranquille». En s’approchant de moi, il ajoute d’un air très sérieux : « Et si dans la nuit tu vois des gars en cagoule avec des bouteilles de gaz sous le bras. Ne t’inquiète surtout pas. Ils t’évacueront d’abord et ensuite ils s’occuperont du reste. On n’a jamais tué personne ici ». Super !!! Me voilà rassuré pour passer ma première nuit sur l’île. Bien entendu, la nuit fut paisible et douce.

 

Et la place me manque ici pour vous raconter comment Daniel m’a tracté avec sa mobylette dans une montée particulièrement abrupte, comment j’ai été invité à un méchoui par les chasseurs de la Balagne, comment le kiné est venu me soigner au camping ou comment je me suis fait dérober mon jambon par un chien errant.

 

Finalement, si j’avais écouté les miens, admettez que je me serai privé de bien belles histoires à raconter à mon retour. J’ai pris les gens à contre roue ou plutôt à contre pied si vous préférez !!

Après toutes ces aventures, j’ai une seule envie maintenant : retourner là-bas pour finir la partie sud, d’Ajaccio à Solenzara par la côte et retour sur Ajaccio par les fameuses aiguilles de Bavella et son col qui culmine à plus de 1200 m. Toujours dans le même esprit : en solo et en autonomie. Fin septembre début octobre me semble la période la plus propice pour cette ultime pérégrination en terre Corse. Je n’en suis pas à mon premier coup d’essai en matière de "cyclo voyageur citoyen écolo handi …" et j’en oublie sûrement.  Mais, ce voyage sur l’île de beauté m’a permis, une fois de plus de voir de quoi j’étais capable. Dorénavant, le champ des possibles s’ouvre à moi et ça en devient vertigineux.

 

(*) Le nom de « Monsieur Autonomie » vient de la fille de copains. Quand Claire était petite, je commençais tout juste à élaborer mon handbike pour pouvoir voyager en autonomie, et c’est elle, justement, qui a été la première à me donner ce surnom. Donc, tous les droits lui en reviennent.

Mon tour de Corse en 2011
Mon tour de Corse en 2011

Rédigé par Bruno Sans

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